Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades,
Je vous transmets tout d'abord le salut fraternel de la Fédération
nationale de la Libre Pensée �
Nous voici donc rassemblés pour la célébration
de cette grande, cette immense loi qu'il ne faut pas hésiter à qualifier
de révolutionnaire, dans la mesure où elle constitue
une rupture radicale avec l'ordre ancien, concrétisé notamment
par le concordat de 1801. Car la loi de 1905, en pleine cohérence
avec ses articles 1 et 2 qui assurent la liberté de conscience,
garantissent l'exercice des cultes, et affirment que la République
ne reconnaît et ne subventionne aucun culte, conclut, en
toute logique, dans son dernier article (le 44), par l'abrogation
pure et simple du concordat. : La République se libère
des Églises, je dis bien des Églises, car cette loi
s'intitule " Loi de séparation des Églises
et de l'État " ! Il faut le souligner fortement
car il est de bon ton aujourd'hui de tenter de masquer cette réalité en
prétendant que la loi s'appliquait, et s'applique, à l'Église
catholique seule !
Eh bien non, Mr. Sarkozy, la loi de 1905 peut être appliquée à toutes
les Églises ! Et il n'est pas nécessaire de
la toiletter, de la modifier et de la moderniser, comme vous le
dites, au prétexte que l'importance des confessions, de
leur représentativité, a évolué depuis
1905. Ce n'est pas la loi laïque qui manque : elle existe,
c'est celle de 1905 ! Ce qui manque, aujourd'hui comme hier,
c'est la volonté politique de l'appliquer.
Il importe également de souligner que, contrairement à l'idée
que répand une propagande bien orchestrée, consistant à dire
que la laïcité est d'origine chrétienne et que
l'Église catholique, en particulier, est la mère,
l'inspiratrice, de cette laïcité, ce qui est historiquement
faux : l'Église a combattu la loi, elle s'y est violemment
opposée � je dis bien violemment : il suffit pour s'en
convaincre de relire les débats parlementaires de l'époque,
ou encore les nombreuses encycliques papales, notamment celle du
11 février 1906 :
<< Qu'il faille séparer l'État de l'Église,
c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse
erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État
ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout
d'abord gravement injurieuse pour Dieu ; car le créateur
de l'homme est aussi le fondateur des sociétés
humaines, et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.
Nous lui devons non seulement un culte privé, mais un
culte public et social pour l'honorer.
C'est la condamnation sans appel de la notion
de séparation,
mais c'est aussi la revendication, constamment rappelée
depuis lors, d'un partenariat entre l'État et les Églises
qui serait nécessaire pour résoudre le problème
social. Revendication particulièrement accentuée
depuis quelques années et qui s'intensifie, aujourd'hui
même, dans son exigence.
Dans leurs actes officiels, toutes les hiérarchies religieuses,
sans exception, demandent en quelque sorte à être
institutionnalisées, c'est-à-dire à participer à l'élaboration
des politiques économiques, sociales, à l'organisation
de la société. Et cette revendication est désormais
relayée par de nombreux partis politiques, mais aussi par
des institutions publiques ! Je n'en citerai qu'un seul exemple
parmi beaucoup d'autres :
« Le Commissariat Général au Plan »,
qui n'est pas n'importe quelle institution, a commandé un
rapport, qu'il a rendu public en juillet 2005. Ce rapport s'intitule : << Religion
et intégration sociale >>. Nous lisons dans ce
rapport qu'il préconise :
<< [�] la reconnaissance des fonctions sociales des
communautés religieuses � une gestion raisonnée
et raisonnable des mouvements religieux � susceptibles d'améliorer
l'intégration des populations fragilisées � de
favoriser la démocratie participative à laquelle
les mouvements spiritualistes peuvent apporter leur vision et
leur sens � et de renforcer, y compris au niveau européen,
notre modèle de tolérance laïque. >>
Tout cela en violation de la loi de séparation, ce qui
ne peut que nous inciter à redoubler d'efforts pour sa défense
et sa promotion en mobilisant chaque jour un peu plus autour de
notre appel, vers la manifestation du 10 décembre. Cet appel,
que les initiateurs ont voulu rassembleur, l'accueil et l'écho
qu'il rencontre, démontre qu'il l'est réellement
Je pense que l'on peut dire que cette loi (après bien d'autres,
avant et après 1905, comme celle de 1901 sur les associations)
en ce début du XX° siècle, finit d'asseoir la
République en conjuguant en même temps, les intérêts
de la bourgeoisie républicaine, voltairienne, ses besoins
d'organisation de la production et ceux de la classe ouvrière,
en pleine ascension dans son organisation en tant que classe sociale,
sur les plans politique et syndical, et dont une des principales
revendications était,
est, et sera le droit à l 'instruction !
La constitution de la première C.G.T. en 1895, de la S.F.I.O.
en 1905, le vote de la charte d'Amiens en 1906, au congrès
confédéral (centenaire que, dans un an mes chers
camarades, les libres penseurs célèbreront également),
tout cela participe en fait du même combat pour l'émancipation,
cela témoigne d'une période historique extrêmement
féconde pour le progrès de l'humanité.
Mes chers camarades, la loi de 1905 a certes abouti grâce à l'opiniâtreté de
partis et d'hommes politiques , les Combes, les Briand, Jaurès,
Buisson, président de la commission parlementaire qui a
préparé la loi, mais aussi Président de l'Association
Nationale des libres penseurs : F. Buisson qui déclarait
en 1883, à propos de la laïcité de l'Ecole :
<< L'Ecole est laïque parce que si nous voulons
que tout enfant acquiert les connaissances que la Convention
appelait déjà « les connaissances nécessaires à tout
homme », nous n'avons pas le droit de toucher à cette
chose sacrée qui s'appelle la conscience de l'enfant,
parce que nous n'avons pas le droit ni au nom de l'État,
ni au nom d'une Église, ni au nom d'une société,
ni au nom d'un parti, au nom de qui que ce soit, enfin, d'empiéter
jamais sur le domaine de cette liberté de conscience qui
est le fond même et la raison de toutes les libertés. >>
Mais la loi a pu être votée parce que l'action des
responsables politiques partisans de la séparation a été puissamment
appuyée par un mouvement populaire extrêmement vigoureux :
les sections socialistes, les Radicaux, les syndicats confédérés,
les sociétés de Libre Pensée, les loges maçonniques
ont développé dans les années précédant
le 9 décembre 1905, et pendant les débats parlementaires,
une intense activité : C'est par centaines que l'on
compte les réunions publiques, les manifestations dans tout
le pays, notamment., par exemple dans l'année 1903�. C'est,
comme à d'autres périodes de l'Histoire, la démonstration
que c'est la mobilisation populaire massive qui est décisive.
Ce qui est également vrai, pour aujourd'hui et pour demain,
dans le combat pour la laïcité institutionnelle, pour
sa reconquête, mais ce n'est pas seulement vrai pour la laïcité�.!
Mais ceci est un autre débat.
Aujourd'hui nous réaffirmons haut et fort que la laïcité institutionnelle
de l'État, c'est à dire sa totale indépendance à l'égard
de toutes les confessions, c'est-à-dire le strict respect
de la liberté de conscience de chaque citoyenne et citoyen
qui ne doit être soumise à aucun impératif,
aucun diktat communautariste quel qu'il soit, sont des conditions
indispensables, certes pas les seules, mais indispensables, pour
qu'existe une véritable démocratie politique, autrement
dit le choix, le libre choix pour chaque individu de s'organiser
comme il l'entend, avec qui il veut, pour débattre, s'exprimer
et agir collectivement, politiquement., pour ce qu'il pense être
juste comme par exemple dans la défense de ses intérêts
particuliers, et pour défendre l'indépendance, donc
l'existence, de ses organisations.
C'est tout cela qui est menacé, et depuis pas mal de temps.
Je pense qu'en disant cela nous nous inscrivons totalement dans
notre perspective de défense et de promotion de la loi de
1905 et qu'il faut affirmer, très sereinement, à cette
tribune, qu'en ce sens, cette reconquête laïque, au
moins partiellement, a déjà commencé un certain
29 mai 2005, dans la mesure où le texte rejeté ce
jour là était une condamnation à mort de la
loi de 1905 par plusieurs de ses articles que tous, ici, nous avons
condamnés. Texte qui faisait également une très
large place à la doctrine sociale de l'Église en
constitutionnalisant une série de principes conduisant à l'instauration
d'une société corporatiste, communautariste, donc
foncièrement antidémocratique.
Chers amis, dans cette même salle, en septembre 1992, nous étions à quelques
uns près les mêmes à cette tribune, pour condamner
les accords "Lang-Cloupet", qui eux aussi, comme aujourd'hui
Mr. De Robien, confirmaient la parité entre enseignement
public et enseignement privé.
Il y a 45 ans, en juin 1960, nous étions 250.000 rassemblés à Vincennes,
et nous avons fait le serment, contre la loi Debré de 1959,
de la combattre jusqu'à son abrogation. Rappelons nous le
serment de Vincennes, le voici :
<< Nous, délégués des pétitionnaires
des communes de France, représentant 10.813.697 Françaises
et Français de toutes origines et de toutes opinions,
ayant signé la protestation solennelle contre la loi scolaire
de division du 31 décembre 1959,
Faisons le serment solennel
- de manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre
irréductible opposition à cette loi contraire à
l'évolution historique de la Nation ;
- de lutter sans trêve et sans défaillance
jusqu'à son
abrogation ;
- et d'obtenir que l'effort scolaire de la
République
soit uniquement réservé à l'Ecole de la
Nation, espoir de
notre jeunesse. >>
Il ne s'agit pas seulement de rappeler quelques souvenirs, ou
d'exprimer je ne sais quelle nostalgie envers des événements
passés ! Il s'agit de dire que c'est le même
combat contre les mêmes qui continue, et que nous avons bien
l'intention de l'amplifier !
Chers amis, chers camarades, parce que nous avons continué à débattre
et à agir, parce que nous n'avons négligé aucun
effort de compréhension mutuelle, parce que nous avons su,
les uns et les autres, faire quelques concessions, sans rien abdiquer
de nos convictions, nous avons pu réaliser cet " Appel
aux Laïques " qui est désormais notre « charte
commune d'union laïque »
Cet appel qui nous engage pour une action que nous devons poursuivre
après le 10 décembre 2005 ! ! !
Cet Appel, qui est un acquis considérable, y compris, répétons-le,
pour après 2005. Nous ne commémorons pas un centenaire
pour, l'année terminée, ranger nos banderoles et
reléguer la loi de 1905 dans les placards de l'histoire.
Nous célébrons la loi de 1905, nous la fêtons,
nous la revendiquons, nous exigeons son application et nous disons à tous
les obscurantistes, à tous les révisionnistes de
cette loi, à tous les papes et à tous les gourous
qu'ils ne réussiront pas à faire tourner la roue
de l'histoire à l'envers ! Et pour les en convaincre
nous allons faire du 10 décembre une puissante démonstration,
une grande réussite !
Dans les deux mois qui viennent : réunions publiques,
meetings, conférences de presse, collectes de signatures
sur l'Appel. Multiplions les initiatives, dans tous les départements.
Collectons aussi, euro par euro, les fonds nécessaires pour
organiser les transports collectifs en direction de Paris !
Chers camarades
Nous sommes en état de mobilisation générale !
Et répétons-nous, comme pour d'autres motivations,
en d'autres occasions : << La laïcité,
c'est nous ! La Loi de 1905, elle est à nous !
Nos anciens se sont battus pour la gagner, nous nous battrons pour
la garder ! |