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Meeting du 1er Octobre 2005 - Mutualité - Paris : Intervention de président de Joachim Salamero, la Fédération nationale de la Libre Pensée sommaire

Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades,

Je vous transmets tout d'abord le salut fraternel de la Fédération nationale de la Libre Pensée �

Nous voici donc rassemblés pour la célébration de cette grande, cette immense loi qu'il ne faut pas hésiter à qualifier de révolutionnaire, dans la mesure où elle constitue une rupture radicale avec l'ordre ancien, concrétisé notamment par le concordat de 1801. Car la loi de 1905, en pleine cohérence avec ses articles 1 et 2 qui assurent la liberté de conscience, garantissent l'exercice des cultes, et affirment que la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte, conclut, en toute logique, dans son dernier article (le 44), par l'abrogation pure et simple du concordat. : La République se libère des Églises, je dis bien des Églises, car cette loi s'intitule " Loi de séparation des Églises et de l'État " ! Il faut le souligner fortement car il est de bon ton aujourd'hui de tenter de masquer cette réalité en prétendant que la loi s'appliquait, et s'applique, à l'Église catholique seule !

Eh bien non, Mr. Sarkozy, la loi de 1905 peut être appliquée à toutes les Églises ! Et il n'est pas nécessaire de la toiletter, de la modifier et de la moderniser, comme vous le dites, au prétexte que l'importance des confessions, de leur représentativité, a évolué depuis 1905. Ce n'est pas la loi laïque qui manque : elle existe, c'est celle de 1905 ! Ce qui manque, aujourd'hui comme hier, c'est la volonté politique de l'appliquer.

Il importe également de souligner que, contrairement à l'idée que répand une propagande bien orchestrée, consistant à dire que la laïcité est d'origine chrétienne et que l'Église catholique, en particulier, est la mère, l'inspiratrice, de cette laïcité, ce qui est historiquement faux : l'Église a combattu la loi, elle s'y est violemment opposée � je dis bien violemment : il suffit pour s'en convaincre de relire les débats parlementaires de l'époque, ou encore les nombreuses encycliques papales, notamment celle du 11 février 1906 :

<< Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord gravement injurieuse pour Dieu ; car le créateur de l'homme est aussi le fondateur des sociétés humaines, et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient. Nous lui devons non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l'honorer.

C'est la condamnation sans appel de la notion de séparation, mais c'est aussi la revendication, constamment rappelée depuis lors, d'un partenariat entre l'État et les Églises qui serait nécessaire pour résoudre le problème social. Revendication particulièrement accentuée depuis quelques années et qui s'intensifie, aujourd'hui même, dans son exigence.

Dans leurs actes officiels, toutes les hiérarchies religieuses, sans exception, demandent en quelque sorte à être institutionnalisées, c'est-à-dire à participer à l'élaboration des politiques économiques, sociales, à l'organisation de la société. Et cette revendication est désormais relayée par de nombreux partis politiques, mais aussi par des institutions publiques ! Je n'en citerai qu'un seul exemple parmi beaucoup d'autres :

« Le Commissariat Général au Plan », qui n'est pas n'importe quelle institution, a commandé un rapport, qu'il a rendu public en juillet 2005. Ce rapport s'intitule : << Religion et intégration sociale >>. Nous lisons dans ce rapport qu'il préconise :

<< [�] la reconnaissance des fonctions sociales des communautés religieuses � une gestion raisonnée et raisonnable des mouvements religieux � susceptibles d'améliorer l'intégration des populations fragilisées � de favoriser la démocratie participative à laquelle les mouvements spiritualistes peuvent apporter leur vision et leur sens � et de renforcer, y compris au niveau européen, notre modèle de tolérance laïque. >>

Tout cela en violation de la loi de séparation, ce qui ne peut que nous inciter à redoubler d'efforts pour sa défense et sa promotion en mobilisant chaque jour un peu plus autour de notre appel, vers la manifestation du 10 décembre. Cet appel, que les initiateurs ont voulu rassembleur, l'accueil et l'écho qu'il rencontre, démontre qu'il l'est réellement Je pense que l'on peut dire que cette loi (après bien d'autres, avant et après 1905, comme celle de 1901 sur les associations) en ce début du XX° siècle, finit d'asseoir la République en conjuguant en même temps, les intérêts de la bourgeoisie républicaine, voltairienne, ses besoins d'organisation de la production et ceux de la classe ouvrière, en pleine ascension dans son organisation en tant que classe sociale, sur les plans politique et syndical, et dont une des principales revendications était, est, et sera le droit à l 'instruction !

La constitution de la première C.G.T. en 1895, de la S.F.I.O. en 1905, le vote de la charte d'Amiens en 1906, au congrès confédéral (centenaire que, dans un an mes chers camarades, les libres penseurs célèbreront également), tout cela participe en fait du même combat pour l'émancipation, cela témoigne d'une période historique extrêmement féconde pour le progrès de l'humanité.

Mes chers camarades, la loi de 1905 a certes abouti grâce à l'opiniâtreté de partis et d'hommes politiques , les Combes, les Briand, Jaurès, Buisson, président de la commission parlementaire qui a préparé la loi, mais aussi Président de l'Association Nationale des libres penseurs : F. Buisson qui déclarait en 1883, à propos de la laïcité de l'Ecole :

<< L'Ecole est laïque parce que si nous voulons que tout enfant acquiert les connaissances que la Convention appelait déjà « les connaissances nécessaires à tout homme », nous n'avons pas le droit de toucher à cette chose sacrée qui s'appelle la conscience de l'enfant, parce que nous n'avons pas le droit ni au nom de l'État, ni au nom d'une Église, ni au nom d'une société, ni au nom d'un parti, au nom de qui que ce soit, enfin, d'empiéter jamais sur le domaine de cette liberté de conscience qui est le fond même et la raison de toutes les libertés. >>

Mais la loi a pu être votée parce que l'action des responsables politiques partisans de la séparation a été puissamment appuyée par un mouvement populaire extrêmement vigoureux : les sections socialistes, les Radicaux, les syndicats confédérés, les sociétés de Libre Pensée, les loges maçonniques ont développé dans les années précédant le 9 décembre 1905, et pendant les débats parlementaires, une intense activité : C'est par centaines que l'on compte les réunions publiques, les manifestations dans tout le pays, notamment., par exemple dans l'année 1903�. C'est, comme à d'autres périodes de l'Histoire, la démonstration que c'est la mobilisation populaire massive qui est décisive.

Ce qui est également vrai, pour aujourd'hui et pour demain, dans le combat pour la laïcité institutionnelle, pour sa reconquête, mais ce n'est pas seulement vrai pour la laïcité�.! Mais ceci est un autre débat.

Aujourd'hui nous réaffirmons haut et fort que la laïcité institutionnelle de l'État, c'est à dire sa totale indépendance à l'égard de toutes les confessions, c'est-à-dire le strict respect de la liberté de conscience de chaque citoyenne et citoyen qui ne doit être soumise à aucun impératif, aucun diktat communautariste quel qu'il soit, sont des conditions indispensables, certes pas les seules, mais indispensables, pour qu'existe une véritable démocratie politique, autrement dit le choix, le libre choix pour chaque individu de s'organiser comme il l'entend, avec qui il veut, pour débattre, s'exprimer et agir collectivement, politiquement., pour ce qu'il pense être juste comme par exemple dans la défense de ses intérêts particuliers, et pour défendre l'indépendance, donc l'existence, de ses organisations.

C'est tout cela qui est menacé, et depuis pas mal de temps. Je pense qu'en disant cela nous nous inscrivons totalement dans notre perspective de défense et de promotion de la loi de 1905 et qu'il faut affirmer, très sereinement, à cette tribune, qu'en ce sens, cette reconquête laïque, au moins partiellement, a déjà commencé un certain 29 mai 2005, dans la mesure où le texte rejeté ce jour là était une condamnation à mort de la loi de 1905 par plusieurs de ses articles que tous, ici, nous avons condamnés. Texte qui faisait également une très large place à la doctrine sociale de l'Église en constitutionnalisant une série de principes conduisant à l'instauration d'une société corporatiste, communautariste, donc foncièrement antidémocratique.

Chers amis, dans cette même salle, en septembre 1992, nous étions à quelques uns près les mêmes à cette tribune, pour condamner les accords "Lang-Cloupet", qui eux aussi, comme aujourd'hui Mr. De Robien, confirmaient la parité entre enseignement public et enseignement privé.

Il y a 45 ans, en juin 1960, nous étions 250.000 rassemblés à Vincennes, et nous avons fait le serment, contre la loi Debré de 1959, de la combattre jusqu'à son abrogation. Rappelons nous le serment de Vincennes, le voici :

<< Nous, délégués des pétitionnaires des communes de France, représentant 10.813.697 Françaises et Français de toutes origines et de toutes opinions, ayant signé la protestation solennelle contre la loi scolaire de division du 31 décembre 1959,

Faisons le serment solennel

- de manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre irréductible opposition à cette loi contraire à
l'évolution historique de la Nation ;

- de lutter sans trêve et sans défaillance jusqu'à son abrogation ;

- et d'obtenir que l'effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l'Ecole de la Nation, espoir de
notre jeunesse.
>>

Il ne s'agit pas seulement de rappeler quelques souvenirs, ou d'exprimer je ne sais quelle nostalgie envers des événements passés ! Il s'agit de dire que c'est le même combat contre les mêmes qui continue, et que nous avons bien l'intention de l'amplifier !

Chers amis, chers camarades, parce que nous avons continué à débattre et à agir, parce que nous n'avons négligé aucun effort de compréhension mutuelle, parce que nous avons su, les uns et les autres, faire quelques concessions, sans rien abdiquer de nos convictions, nous avons pu réaliser cet " Appel aux Laïques " qui est désormais notre « charte commune d'union laïque »

Cet appel qui nous engage pour une action que nous devons poursuivre après le 10 décembre 2005  ! ! !

Cet Appel, qui est un acquis considérable, y compris, répétons-le, pour après 2005. Nous ne commémorons pas un centenaire pour, l'année terminée, ranger nos banderoles et reléguer la loi de 1905 dans les placards de l'histoire. Nous célébrons la loi de 1905, nous la fêtons, nous la revendiquons, nous exigeons son application et nous disons à tous les obscurantistes, à tous les révisionnistes de cette loi, à tous les papes et à tous les gourous qu'ils ne réussiront pas à faire tourner la roue de l'histoire à l'envers ! Et pour les en convaincre nous allons faire du 10 décembre une puissante démonstration, une grande réussite !

Dans les deux mois qui viennent : réunions publiques, meetings, conférences de presse, collectes de signatures sur l'Appel. Multiplions les initiatives, dans tous les départements. Collectons aussi, euro par euro, les fonds nécessaires pour organiser les transports collectifs en direction de Paris !

Chers camarades

Nous sommes en état de mobilisation générale !

Et répétons-nous, comme pour d'autres motivations, en d'autres occasions : << La laïcité, c'est nous ! La Loi de 1905, elle est à nous ! Nos anciens se sont battus pour la gagner, nous nous battrons pour la garder !