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Prise de position - Non au projet de charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Monsieur Lionel Jospin
Premier Ministre
58 rue de Varennes
75OO7 Paris

Paris le 20 avril 2000

Monsieur le Premier Ministre,

La Fédération Nationale de la Libre Pensée a pris connaissance du projet de charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

A cette occasion, elle tient à vous présenter ses remarques et critiques sur ce document.

1°)- Elle constate notamment que la peine de mort est légitimée dans les cas d’insurrection alors que dans notre tradition républicaine (Constitution de 1793), elle constitue un devoir lorsque les droits du peuple sont bafoués. Par contre, la question du droit de mourir dans la dignité semble être totalement écartée, pourtant il s’agit de l’application stricte du principe du respect absolu de la liberté de conscience.

2°)- L’interdiction des pratiques eugéniques, contenue dans l’article 3, peut viser la meilleure comme la pire des choses. La Libre Pensée est contre toute sélection sur la base génétique, mais ce type d’argumentaire a servi au vote de la loi de 1994 qui interdit toute recherche sur les embryons tarés. Cette prohibition voit aujourd’hui toute la communauté scientifique se dresser contre le retard pris et accumulé par notre pays dans la recherche sur ce domaine.

3°)- Il nous semble inquiétant de voir dans ce projet des propositions comme l’article 6 qui promeut la perte de liberté " en cas de vagabondage ". Être SDF aujourd’hui dans l’Union européenne signifierait-il une " lettre de cachet " pour la prison ?

4°)- L’article 14 nous semble inconsistant. Il proclame formellement le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il ne constitue nullement un progrès vis à vis de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, dont la cour européenne de justice a trouvé qu’il était compatible avec le délit de blasphème, la religion d’État et l’impôt d’Église !

5°)- L’article 16 favorise l’existence des écoles privées ( à majorité confessionnelle), dont le financement est quasiment rendu obligatoire (au nom de la liberté d’enseignement qui ne peut être que subsidiée selon une décision du Parlement européen).

Plus généralement, nous tenons à vous faire remarquer que cette charte des droits fondamentaux ne constitue nullement un progrès vis à vis des différentes déclarations des droits de l’Homme de notre pays, encore moins des principes de laïcité institutionnelle, tant dans le domaine de l’Ecole publique ( loi Goblet de 1886) que de l’État (loi du 9 décembre 1905).

Ce projet méconnaît complètement toute idée de laïcité et favorise les " droits de la personne humaine ", issue de la doctrine catholique au mépris de la notion républicaine de citoyen. Cette charte se refuse à tout moment de reléguer les religions dans le domaine des affaires privées, dans le cadre de la liberté de conscience, et protégeant ainsi les services publics de toute ingérence ecclésiale. Au contraire, ce projet leur donne un statut quasi de droit public.

Voici, monsieur le Premier Ministre, les raisons qui nous amènent à nous opposer à ce projet de Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Recevez l’expression de notre attachement à la République, une, indivisible et laïque.

Le Secrétaire Général de la Libre Pensée :

Christian Eyschen