Plus de deux années et demi de travail, de collaborations diverses
mais indispensables, ont été nécessaires pour réaliser
ce qui n'était encore qu'une « idée », lors de
la tournée de la fédération nationale de la libre
pensée aux États-Unis, en février 2000.
De
longs, et parfois pénibles efforts internationaux ont abouti à
un amphithéâtre plein et à une prestigieuse tribune,
placée sous la présidence de notre ami Babu Gogineni,
directeur
exécutif de l'IHEU, et la direction scientifique du professeur
Olivier Frayssé, notre hôte en ces lieux.
Il serait vain de vouloir résumer, même brièvement,
deux séances de communication érudites mais simples, et des
débats, animés avec la grande courtoisie et le fin humour
du président Gogineni.
Les actes de ce colloque international sortiront courant 2003 et apporteront
leur pierre à l'aspiration universelle à la totale liberté
de conscience par la stricte séparation des Eglises de l'Etat. Il
n'en demeure pas moins que l'originalité du colloque international
Tomas Jefferson, outre la richesse de provenance géographique et
philosophique des communicants, résidait également dans l’harmonieuse
combinaison de journées universitaires et d’un grand rendez-vous
laïque et libre penseur.
Il fallait ouvrir les travaux, ce fut donc chose faite par la complémentarité
de la présidence et le rappel que « la laïcité
n'existe pas pour elle seule, mais quelle est un acquis des Lumières
et de la Révolution Française.»
Cette complémentarité
s'incarnait encore dès la première communication : universitaires
et historiens, le professeur Robert S. Alley, de l'université
de Virginie, est également partisan convaincu de la séparation
des Eglises de l'Etat et un spécialiste reconnu du président
James Madison.
C'est également le cas du professeur Gérard Hugues,
de l'université de Provence, consacrant sa contribution au quatrième
président des États-Unis : « James Madison : une vision
laïque du fait religieux », affirmant non sans raison que «James
Madison serait certainement aujourd'hui membre d'Americans United for the
Separation of Church and State pour lutter contre la politique de «
compassion » de Georges W. Bush ».
Le professeur
Annick Lechenet, de l'université de Nancy 2, rappelait quant
à elle que l’œuvre de Tomas Jefferson avait pour coeur «
la confiance en la raison de l'Homme. »
Jacques Lafouge, Ancien Grand Maître du Grand Orient de France,
n'avait pas la tâche aisée, car il devait pleinement restituer
la dimension latino-américaine dans un colloque apparemment plus
septentrional.
Retraçant l'épopée difficile du continent, la
place des libertadores, écornant au passage quelques idées
convenues, il conclut : «la séparation de l'Eglise de l'Etat
et la laïcité n'ont jamais eu droit de citer en Amérique
latine. Les quelques démocrates et tyranneaux qui ont voulu les
mettre en application où les chauds et mal finis.
Et pourtant la séparation de l'Eglise de l'Etat et la laïcité
à la française, malgré les restrictions qu'elles subissent
actuellement ici, jouissent d'une popularité certaine. Un nombre
non négligeable tome de progrès voit bien que la vraie libération
de l'Amérique latine passe par là, que le progrès
humain ne peut se concevoir que dans la liberté et la liberté
absolue de conscience. Il nous faut y aider, si nous n’aspirons pas au
repos. »
Après
une pause salutaire, et une fréquentation assidue d'une excellente
librairie internationale dressée dans le hall, les travaux reprenaient.
Le
professeur Olivier Frayssé, auteur d’un remarquable «
Lincoln, la Terre de Travail », était tout désigné
pour définir la conception Lincolnienne « de la séparation
de la sphère publique de la sphère privée dans la
vie politique américaine.»
Isabelle Richet
qui vient de faire paraître « la religion aux États-Unis
» dans la collection « Que sais-je ? », et qui enseigne
à Paris X Nanterre, revenait sur le caractère séculier
de la constitution américaine, notamment codifié dans le
premier amendement.
Avec Robert Boston
venus de Washington DC, et auteur d'une brillante communication, la parole
était donnée à une organisation qui, depuis cinquante
années, combat d'arrache-pied pour défendre faire respecter
la fameuse métaphore jeffersonienne du « mur de séparation
entre les églises états » : Americans Unitedfor
the Separation of Church and State et sa précieuse revue mensuelle
«
Church & State », déjà connu des lecteurs de
la Raison.
Notre camarade Fred Whitehead est un symbole.
Victime de
la croisade des bigots, licencié de l’université du Kansaspour
ses opinions laïques et anticléricales, libre penseur, il se
rattache la tradition ouvrière et socialiste des « Freethinkers
» du XIXe siècle aux USA, qu’il fit magnifiquement revivre,
diapositives à l’appui.
La matinée
dominicale allait être marquée d'une universalité de
tous les instants : nos amis canadiens Henri Laberge, du mouvement
laïque québécois, Réjane et Richard Thain,
de Humanist Association of Canada avaient pour charge de présenter
la situation d'un pays divers, longtemps placé sous la double férule
de la couronne d'Angleterre et de la sainte Eglise catholique romaine,
pour sa partie francophone. Ils le firent avec humour et précision
et confirmèrent les craquements en cours dans l'édifice canadien.
Ulrike Tietze, militante de l’association allemande Bund Gegen
Anfassung ;
présentait le caractère encore grandement confessionnel de
l'État allemand.
Cherif Ferjani
, professeur à l'université Louis Lumière de Lyon,
traça avec faconde «les différences et continuités
des conceptions américaines et françaises des relations entre
la politique et le religieux ».
Notre Amie Bobbie
Kirkhart, était venue de Los Angeles, à la tête
d’une délégation de responsables de son organisation Atheist
Alliance, secondé dans cet tâche par notre camarade Auguste
Berkshire, qui avait honoré de sa présence le colloque
et le Congrès national de la libre pensée à Avignon
en juillet 2000.
Co-présidente de Atheist Alliance, membre fondateur du comité
international de liaison des athées des libres penseurs, Bobbie
rappelait « la place des athées aux USA ».
Christian
Eyschen, au nom de la fédération nationale de la Libre Pensée,
donnait la pleine signification internationale des enjeux liés à
la Séparation des Eglises de l'Etat [lire
le discours].
Les deux coprésidents de séance présentaient les
conclusions du colloque.