A l'appel de la Fédération
Nationale de la Libre Pensée et à l'initiative
de la fédération d'Ille-et-Vilaine des libres penseurs, la
première session de la Convention nationale contre la
ratification de la charte européenne des langues régionales
et minoritaires s'est tenue à Paris le 30 janvier 1999.
Dans une salle archi-pleine, il n'y avait pas
assez de chaises pour tout le monde, ils étaient venus
de toute la France pour débattre et agir pour la défense
de l'unicité de la République. Libres penseurs,
laïques, démocrates, républicains, syndicalistes,
linguistes, venant de départements concernés ou
non par la question des langues régionales, ils voulaient
d'abord comprendre pourquoi le Conseil de l'Europe s'acharnait
ainsi à mettre en ouvre une telle initiative, tellement
la pression médiatique était forte sur cette question.
Amusés, ils furent informés que
le 30 janvier après-midi semblait un jour propice pour
s'intéresser à ce problème, surtout depuis
que la Libre Pensée avait pris l'initiative de la tenue
de cette Convention Nationale. Un article d'Ouest-France du 20
janvier leur apprenait que les "bretons" de Stourm ar Brezhoneg
appelaient à "contre-manifester" devant le lieu où la
Libre Pensée se réunissait. Mais de bretons du
SAB, nous n'en vîmes point.
Débattant dans une conférence
publique sur la laïcité en Europe, la veille à Clermont-Ferrand, je
dialoguais fort courtoisement avec un responsable d'une "association
culturelle occitane" qui m'apprenait qu'ils se réunissaient
aussi le 30 janvier à 500 mètres du lieu où la
Libre Pensée tenait sa réunion et qu'ils allaient
venir discuter avec nous. M'étant procuré le carton
d'invitation intitulé " Langues régionales : langues
de France, langues d'Europe", je fis remarquer aux libres penseurs
réunis, que s'il y avait plusieurs langues en France,
il n'y avait pour l'instant qu'une langue de France. Mais d'occitans
de Beaubourg, cet après-midi-là, nous n'en vîmes
pas d'avantage.
Les lecteurs du journal Le Monde de la veille
prirent aussi connaissance que des "basques" appelaient aussi à manifester
le 30 janvier pour la réunification des départements
basques d'Espagne et de France, démantelant ainsi une
partie de la République. Il semble donc que la Libre Pensée
par son action, fit du 30 janvier, la journée incontournable
du débat sur les langues régionales. Ce qui marque
ainsi, d'une certaine manière, la place que notre association
occupe désormais dans la société.
Sous la présidence de Joachim Salamero,
le débat fut d'une haute tenue, loin de la langue de bois
de la pensée unique. Le président de notre fédération
d'Ille-et-Vilaine, Jean-Sébastien Pierre faisait un exposé introductif
très détaillé évoquant les différents
problèmes que la charte européenne posait. Il soulignait
qu'il était difficile de dissocier celle-ci du projet
de loi d'aménagement du territoire présenté par
le gouvernement et qui favorisait de manière outrancière
la notion de "pays", au sens des provinces de l'Ancien-Régime.
Comment, en effet, ne pas constater que l'Union
européenne promotionne les régions contre les Etats-nations
? Comment, dès lors, ne pas voir que l'institutionnalisation
des langues régionales et minoritaires ne peut aller que
dans le sens de l'éclatement de l'unicité de la
République ? Les plus chauds partisans de cette charte
européenne ne prônent-ils pas la modification de
l'article 2 de la constitution qui fait du français la
langue de la République ?
Le débat fut riche et fructueux, sans
aucun sectarisme, anathème et parti pris. Il fut ainsi
souligné que l'enseignement des langues régionales
et minoritaires était différent de l'enseignement
en langues régionales et minoritaires. Apprendre une
langue différente peut être source d'enrichissement,
mais apprendre l'histoire, les mathématiques, les sciences,
le droit, la géographie dans une langue régionale
ne peut conduire qu'à avoir une vision particulariste
de l'humanité et de ses savoirs. Cela divise au lieu d'unir.
Un autre point fut aussi souligné. Il
existe deux codes de droit, le civil et le pénal. Et pourtant
le droit énoncé par les tribunaux est soumis au
feu de la critique de la jurisprudence qui est souvent confuse
et contradictoire. Imagine-t-on la situation quand les jugements
seront faits dans des langues différentes sur le territoire
de la République? Cela sera un véritable maquis
d'où inévitablement, le droit deviendra différent
d'une région à l'autre, car la jurisprudence deviendra
interprétable selon la finesse des compréhensions
d'une langue à une autre.
C'est pourquoi, les participants qu'ils fussent
attachés ou non à la transmission des cultures
locales (ce qui est le droit de chacun en fonction de ses centres
d'intérêts), furent tous d'accord pour refuser l'institutionnalisation
des langues régionales et minoritaires, les mettant sur
le même plan que la langue française. Son caractère
d'unification et d'égalité entre tous les citoyens
fut jugé comme éminemment progressiste. Chacun
s'accorda sur l'idée que d'autres peuples connurent une
autre histoire, d'autres démarches et des pratiques différentes.
Mais en France, la diffusion du français comme vecteur
de communication fut quelque chose d'irremplaçable. Personne
ne veut revenir en arrière, à une situation d'avant
François 1er.. On aurait beaucoup de mal à faire
passer un retour à ce passé pour une marque de
modernité.
C'est pourquoi, les participants furent
unanimes à soutenir les propositions de la Libre Pensée
pour demander une audience auprès du Premier ministre
pour lui faire part de notre refus de la signature de cette
charte européenne. De même, il fut décidé de
solliciter des audiences auprès des différents
groupes parlementaires. Le rôle de l'intergroupe
parlementaire de la Libre pensée fut aussi souligné à cette
occasion.
Joachim Salamero conclut cette première
session en appelant les libres penseurs à se mobiliser
davantage contre cette signature en leur demandant de rencontrer
les parlementaires de leurs départements pour marquer
notre opposition. Si d'aventure, le gouvernement devait signer
cette charte réactionnaire, il lui faudrait proposer alors
un projet de loi de ratification.
Une deuxième session de la Convention
nationale contre la ratification de la charte européenne
des langues régionales et minoritaires se tiendrait en
conséquence dans les mois qui viennent, appuyée
par des actions conséquentes dans tous les départements.
La Libre Pensée prendrait alors une initiative d'envergure
pour faire échec à cette tentative de faire tourner
la roue de l'histoire à l'envers.
Christian Eyschen
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