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A propos de la Charte Européenne
des langues régionales et minoritaires

Dossier
Charte des Langues Régionales

Après la publication de l'appel de notre fédération d'Ille-et-vilaine, un débat s'est ouvert sur la question de cette charte du Conseil de l'Europe. Il convient donc de situer clairement le débat. Il ne s'agit pour personne d'interdire à quiconque d'apprendre et de parler son patois ou sa langue régionale.

Nous pensons que le combat pour l'unité de la Nation fut fondamental pour poser les pierres d'une société moderne, posant comme principe fondamental la question de l'égalité des citoyens. Pour que tous soient égaux du nord au sud et de l'est à l'ouest, il fallait briser l'Ancien-Régime, basé sur les provinces où, non seulement les langues étaient différentes, mais les droits et les devoirs aussi.. C'est en unifiant le pays, entre autre, que la démocratie a pu être conquise. Et cela passait par l'unité de la langue.

Rappelons que la plupart des cahiers de doléance pour les Etats-Généraux, quelques mois avant le déclenchement de la Révolution Française, insistait sur la nécessité d'avoir une langue commune pour se comprendre et des unités de mesure identique pour faciliter les échanges et le commerce.

A partir du moment, où tous les citoyens ont pu se comprendre, ont pu alors être dégagés leurs intérêts communs. L'ancien système convenait fort bien à l'Eglise : à chacun son patois, et pour tous le latin ! Elle régnait en maître. C'est notamment pour briser ce monopole politique que, petit à petit, l'idée de nation a vu le jour. Quand François 1er fait le concordat de Bologne en 1516, c'est pour diminuer le pouvoir ecclésiastique. Il décide aussi la naissance de l'Etat civil et de l'usage du français dans les actes administratifs. Il n'y a là nul hasard.

Il n'y a pas d'égalité, de démocratie, de république quand les citoyens d'un même pays ne peuvent pas se comprendre et que cette possibilité est laissée à une minorité. La diffusion de la langue française fut un immense progrès pour assurer, ne serait-ce que la compréhension de la Loi commune à tous.

Pour nos camarades d'Ille-et-vilaine, comme pour notre Fédération Nationale, il ne s'agit pas de confondre l'arbre et la forêt. Nous refusons qu'au nom des " particularismes locaux ", on en vienne à enfermer chacun dans son terroir d'origine. La langue du coin, les chansons, les binious ne doivent plus être l'horizon indépassable des " gens " du coin.

La culture, c'est s'ouvrir au monde, aller vers l'universel, briser les frontières et certainement pas de bâtir des petits murs de Berlin (ou des ghettos comme au Moyen-Age), pour ramener les citoyens à une pseudo-communauté d'appartenance. Aux USA, le parler-local est très répandu, ici c'est le latino, là l'afro-américain, ailleurs le yiddish, l'acadien, l'allemand du XVIIe Siècle, le vieux français. Tout le monde a gardé sa " culture " et sa langue d'origine, et c'est l'affrontement communautaire permanent et la jungle des lobbies.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la nation est le nationalisme. La nation fut un moyen de s'unir pour aller toujours plus loin et toujours plus haut. C'est au cri de " Vive la Nation " que furent vaincues les armées cléricalo-monarchistes. Dans la constitution de 1793, on était français, si on avait rendu service à l'Humanité. La nation est un moment du combat émancipateur des peuples. Le nationalisme est en la négation. La nation unit, le nationalisme divise.

La charte européenne des langues régionales et minoritaires s'inscrit dans un plan d'ensemble de destruction des acquis démocratiques de deux siècles. L'Union européenne a pour modèle une Europe des régions et des patois, et non celle des peuples et des nations libres. Quand un peuple refuse de s'y intégrer, on le fait voter jusqu'à plus soif (comme au Danemark), jusqu'à ce qu'il accepte. Et quand on a réussi (à une courte majorité, comme en France), on se garde bien de lui redemander, au cas où il aurait changé d'avis.

C'est au nom de cette Europe de région qu'a été mise en place la décentralisation qui introduit des droits et des devoirs différents d'une région à une autre. On ne paie pas la même vignette et les mêmes taxes, on n'a pas le droit aux mêmes prestations sociales. Chacun est enfermé dans son terroir, et l'Union Européenne trône au-dessus de tous. C'est le modèle de l'Eglise dans l'Ancien-Régime qui prévaut. Ce n'est pas l'internationalisme des peuples, c'est le supranationalisme des cercles économiques et financiers qui dirige. Cette Europe-là n'est certainement pas l'Europe que la Libre Pensée souhaite voir un jour.

Je me targue d'être un " jacobin ". Il faudrait bien cesser un jour de parler du jacobinisme comme le faisaient les propagandistes militaristes de France et d'Allemagne contre " les buveurs de sang et les coupeurs de mains des enfants ". Le Jacobinisme, c'est une certaine centralisation au service de l'égalité des citoyens. Ce sont les jacobins qui ont véritablement donné leurs pouvoirs aux communes, que cela soit pendant la Révolution Française ou un siècle plus tard, par la loi Goblet d'organisation des communes.

Les mêmes qui veulent nous imposer l'Europe des régions s'insurgent contre le fait qu'il y a en France 36.000 communes contre 34.000 dans tout le reste de 14 pays de l'Union européenne. Et ils parlent des communes comme de faits " attardés ". Si on veut respecter les particularités " locales ", on pourrait commencer par ne pas remettre en cause l'existence des multiples foyers de démocratie communale. Cela serait quelque peu plus crédible.

Où est l'égalité, quand la charte européenne prévoit la nomination prioritaire des fonctionnaires parlant la langue locale dans les collectivités territoriales ? Où est passée l'égalité des citoyens devant l'emploi public ?

Où est l'égalité, quand on prône l'apprentissage et l'utilisation du breton, uniquement en Bretagne et pas ailleurs, pourtant des bretons, il y en a partout  ? Vivre, travailler, parler au pays, cela ne serait-il pas de la xénophobie, puisque l'on veut interdire dans les faits que d'autres fonctionnaires d'autres régions y viennent aussi travailler ?

Où est l'égalité, quand la charte européenne revendique que tous les actes civils et administratifs soient aussi rédigés dans la langue minoritaire ? Où sont les droits du provençal qui refuse de parler cette " langue " inventée de toutes pièces au XIXe Siècle ? Où sont ceux du conjoint d'un " pays " qui refuse aussi de parler " local " ? Ira-t-on vers la purification linguistique et le refus des mariages mixtes ?

Il ne s'agit pas pour les libres penseurs de refuser que les " cultures " et les langues locales existent, qu'elles soient enseignées et diffusées. Elles le sont d'ailleurs à l'université. Il s'agit de refuser la " révision " du principe que la langue française est la langue de la République. Les manifestants, qui ont défilé en décembre 1998 pour soutenir la charte européenne, ont aussi exigé la modification profonde de l'article 2 de la constitution qui fait de la langue française la langue administrative de la République.

L'Ecole publique laïque doit d'abord enseigner la langue nationale. Au vu du nombre d'illettrés dans ce pays, elle a déjà bien du mal à le faire. Revendiquer la parité d'enseignement, c'est mettre sur le même plan la langue qui unit et les idiomes qui divisent. On a d'ailleurs vu des écoles privées enseignant les langues minoritaires tendrent leurs sébiles pour quêter les fonds publics, au nom du principe antilaïque de la loi Debré.

A nos rares lecteurs qui affirment que le refus de la ratification de cette charte ne serait pas dans la tradition de notre mouvement, nous répondrons que l'esprit fondateur  de la Libre Pensée est plus dans la diffusion de l'espéranto que dans l'enseignement de langues diverses qui peuvent être autant d'obstacles à la compréhension commune. Penser librement implique aussi de pouvoir communiquer librement. La multiplicité des langues régionales, des patois et des idiomes ne facilitera guère la communication entre les citoyens.

Christian Eyschen