Lettre
ouverte à Monsieur
le Maire de Guingamp
La Libre
Pensée
des Côtes d'Armor
26, Rue Gauguin
22000 Saint-Brieuc
Tel : 02 96 33 65 49
Saint-Brieuc le 22 janvier 2000
Monsieur le Maire de GUINGAMP
Monsieur
le Maire,
Comme vous le savez, le Centre culturel breton de Guingamp, situé 6,
place de Verdun à Guingamp, porte le nom patronymique de Roparz
Hémon.
Il est admis que le nom patronymique d'un établissement
culturel est destiné à perpétuer le souvenir
d'un personnage que l'on considère comme digne d'être donné en
exemple, notamment aux jeunes générations.
Nous attirons votre attention sur la personnalité de
Roparz Hémon, de son vrai nom Louis-Robert NEMO.
Son travail de grammairien de la langue bretonne ne doit pas, à nos
yeux, faire oublier son rôle avant et pendant la seconde guerre
mondiale, ses prises de position comme ses actes concrets que les travaux
des historiens, notamment du fait de l'accès récent aux
archives allemandes, ont mis en lumière sans ambiguité.
Il a prôné,vis à vis des locuteurs français
des sentiments xénophobes incontestables puisqu'il écrit
le 7 juin 1942 dans le journal Arvor, créé en
janvier 1941 et dont il est le directeur, que :
«La Bretagne n'a qu'une langue : le breton.
Le français n'est qu'une langue étrangère. Bien
que le français soit en usage parmi nous, et qu'il soit appelé à l'être
encore, notre but c'est de bannir le français. Tant qu'il restera
dans notre pays quelqu'un qui parle le français, c'en
sera un de trop.» (Cité par Ronan Calvez du
département de Celtique à l'UBO de Brest, dans son étude
: Le réenchantement d'un monde. Mouvement breton, nazisme et émissions
de radio en breton. 1998)
Son antisémitisme est notoire. Ainsi écrit-il
:
- Dans la revue Arvor, sous le
nom de Pendaran, il stigmatise ainsi les Juifs et les Francs-maçons
:
«La Troisième République française
a répandu dans le peuple une culture basée sur la mystique
de la Révolution de 1789, revue et corrigée par le parti
radical,avec, cela va sans dire, la collaboration des Juifs et des
Loges ;..»
(Arvor N° 22, 1er juin 1941).
- dans la revue Arvor du 26 juillet 1942 :
"L'histoire de Bretagne, croyons-nous, est au programme
des écoles et, obligatoirement, les petits Bretons doivent apprendre
que les Celtes ont subi plusieurs siècles de honte et d'esclavage,
depuis le temps où feue Marianne livrait notre pays à ses
juifs. Il ne s'agit pas de "politique déplacée", il s'agit
de vérité à ancrer dans l'esprit de nos enfants
et le plus souvent elles leur seront répétées,
mieux cela vaudra...". ( Cité dans Archives
secrètes de Bretagne 1940-44, p. 100-101).
Ses affinités nazies sont affirmées par ses actes
comme par ses écrits.
Au moment de la débâcle des armées d'Hitler, il s'enfuit
de Rennes vers l'Allemagne nazie. Yann Fouéré qui fut lié à Roparz
Hémon rapporte dans son livre «La patrie interdite Histoire d'un
Breton»:
«Dans les tout premiers jours d'août, lorsque les forces
allemandes évacuèrent Rennes, elles emmenèrent dans leur
retraite C. Lainé, Marcel Guieyesse, sa femme et sa fille, son adjoint
Ange Péresse avec sa famille, Roparz Hémon et des activistes
du séparatisme breton, en même temps que les soldats de la Formation
Perrot, revêtus de leur tenue militaire allemande.» (p.
323).
L'historien Bertrand Frelaut
le relève aussi, citant les témoignages oraux et écrits
de survivants de la Formation Perrot (Les Nationalistes bretons
de 1939 à 1945 p.
226).
Dans Al Liamm, numéro 20 mae-mezheven 1950, p. 31 et cité dans Histoire
Littéraire et culturelle de la Bretagne, tome III, p.
210 de Fanch Morvannou , Roparz Hémon écrit :
"Quatre années précieuses- Dans le quart de
siècle écoulé, il se produisit un miracle: pendant
quatre ans, de 1940 à 1944, il passa un vent de liberté sur
la Bretagne ; tout vrai Breton put travailler sans tracas, et la
vie de l'esprit fut florissante..."
Preuve que Roparz Hémon, bien après la fin de la guerre,
n'avait rien renié, alors qu'il n'était pas sans savoir que
la Bretagne avait connu un lot non négligeable de torturés, de
déportés Juifs et autres, et de fusillés par les autorités
nazies.
L'historien Henri Fréville, (qui fut par ailleurs maire
de Rennes, député d'Ille et Vilaine, président du Conseil
Général puis sénateur), écrit à propos de
Roparz Hémon :
«L'attitude apparente de Roparz Hémon, au cours
des années de guerre, a pu faire longtemps illusion et conduire bien
des hommes de bonne foi à penser qu'il était effectivement
resté fidèle à ses amitiés, dès longtemps
forgées, sans pour autant s'être lancé dans le militantisme
au détriment évident et indiscutable des intérêts
français. L'étude des archives du Majestic et d'un certain
nombre de correspondances de Roparz Hémon exclut désormais
formellement cette manière libérale de voir les choses.»
Et l'historien qui fut délégué pour la Bretagne
du «Comité général d'études pour l'information» dans
la Résistance, souligne pour qu'il ne reste aucun doute possible sur
sa collaboration avec les Nazis :
«Ajoutons - pour
ne laisser place à aucune équivoque - qu'en ce qui concerne
certaines interventions graves et de grande portée à l'encontre
de membres de l'Administration française par exemple, telles ou telles
plaintes, émanant de Roparz Hémon, se sont trouvées
transmises par L. Weisgerber directement à Werner Best et eurent des
suites non négligeables.»
Et pour dissiper, s'il en était besoin encore, tout élément
de contestation, l'auteur ajoute :
«L'objectivité et la rigueur scientifique veulent - à ce
stade de la présente étude __ qu'il soit, une fois pour toutes,
très clairement indiqué que le professeur Léo Weisgerber
a été, non pas seulement le protecteur et l'inspirateur de certains
milieux séparatistes et autonomistes, mais un agent actif de la transmission
aux autorités allemandes de documents relatifs à des personnes
et des organismes administratifs et politiques français.»
Henri Fréville rappelle ce qu'il advint de Roparz Hémon
au lendemain de la Libération :
"en mars 1946 sa condamnation à dix ans d'indignité nationale
et sa radiation du nombre des membres de l'enseignement public qui en est
le corollaire légal.."
(Archives secrètes de Bretagne 1940-44,
p. 94- à 99).
Faut-il poursuivre pour se faire une idée encore plus convaincante
de la personnalité de Roparz Hémon et du rôle peu reluisant
et souvent tragique qu'il joua dans une époque pas si lointaine
et pour laquelle chacun s'accorde à reconnaître que le devoir de
mémoire s'impose à tous?
Vous conviendrez donc aisément, sans qu'on puisse y voir une
quelconque responsabilité de votre muncipalité, que le nom
patronymique «Roparz Hémon» du Centre culturel breton
de Guingamp pose problème.
Nous vous serions en conséquence reconnaissants de bien vouloir
recevoir une délégation de notre organisation pour un
entretien sur ce sujet.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'expression de notre attachement à la
vérité historique et aux valeurs démocratiques et républicaines.
le Président,
E. Le Moigne
lettre
du Maire de St-Brieuc et prises de positions en soutien à cette
initiative
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