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Rassemblement Européen du 6 décembre 2003
Pour l’absolue liberté de conscience en Europe


Amis, Citoyens, Camarades,


La Fédération nationale de la Libre Pensée se réjouit du succès de ce rassemblement laïque européen qui est inédit à cette échelle. Nous tenons à remercier tous ceux qui sont venus des quatre horizons de l’Europe et aussi tous ceux viennent des différents points de notre hexagone et qui ont voyagé des heures pour marquer leur volonté de travailler en commun pour le triomphe de la laïcité en Europe.

31 associations de 13 pays apportent leur concours aujourd’hui pour empêcher que la roue de l’Histoire tourne à l’envers. Nous ne parlons pas tous la même langue. Nous n’avons pas tous la même histoire. Nos actions peuvent être différentes, selon que l’on soit libre penseur, humaniste, rationaliste ou simplement laïque.

Mais tous, nous voulons le triomphe absolu de la liberté de conscience. Tous, nous voulons que l’homme soit enfin libre dans des sociétés débarrassées de l’obscurantisme et des oppressions. Tous, nous refusons que les êtres humains continuent de plier sous le fardeau des cléricalismes et des fanatismes religieux.

Notre combat commun s’appelle émancipation humaine, notre outil est partout la séparation des Eglises et des Etats, notre but est la liberté de conscience garantie par la laïcité.

Ce que nous revendiquons dans notre pays, dans tous les pays et sur tous les continents : c’est la marche en avant de l’Humanité vers la pleine lumière de la liberté commune. Ce nous voulons, c’est que les peuples brisent à tout jamais leurs chaînes, toutes leurs chaînes, religieuses, économiques, politiques et ethniques.

La National Secular Society d’Angleterre et la Libre Pensée française, qui sont les organisations historiques constitutives de l’Internationale de la Libre Pensée, ont pris l’initiative de lancer un appel à tous les partisans de la laïcité en Europe pour qu’ensemble nous nous opposions au projet néfaste et réactionnaire de l’Article 51 de la Constitution européenne.

Cet appel a été entendu dans toute l’Europe et même au-delà. Dans le nouveau Monde, de l’autre côté de l’Atlantique, nous avons reçu le soutien de notre ami libre penseur Fred Whitehead du Kansas, des associations des athées et aussi celui, qui nous est particulièrement cher, du Mouvement Laïque Québécois.

Nous ne sommes pas seuls. Dans le monde entier, on nous regarde et on attend de nous que nous soyons dignes de nos ancêtre qui, de la civilisation gréco-latine à la Renaissance et les Lumières, de la Révolution française à la révolution européenne de 1848 et de la Commune de Paris, de la fondation de l’Ecole laïque républicaine à la grande de loi de séparation de 1905 ; ont fait triompher la liberté de conscience.

Il ne faut pas reculer en Europe, car tous nos acquis dans nos pays respectifs sont autant de point d’appui pour les peuples en marche pour leur liberté sur tous les continents. Défendre la laïcité partout où elle existe, la conquérir partout où elle manque, tel est notre combat commun que nous menons avec le concours précieux de l’Union Internationale Humaniste et Laïque. L’Internationale de la laïcité existe, nous l’avons rencontré, elle s’appelle IHEU.

La séparation des Eglises et de l’Etat est une des conditions nécessaires pour instaurer une véritable concorde entre tous, dans chaque peuple et entre chaque peuple. Pour nous, le centre du problème n'est pas de se limiter à ce que les laïques, les Humanistes, les Athées et les Libres Penseurs aient les mêmes droits que les croyants et que nos associations aient les mêmes privilèges que les Eglises. Il faut frapper au cœur du cléricalisme et réclamer la totale séparation des Eglises et des Etats. Nous ne revendiquons pas que les partisans de la séparation soient une communauté à côté de celles des Eglises et des religions.

Nous voulons la séparation totale des Eglises et des Etats qui, seule, garantie des droits égaux pour tous. Nous refusons l'apartheid philosophique avec un "développement séparé" pour nous et les croyants. Nous combattons pour l'égalité absolue qui impose la laïcité de l'Ecole publique et de l'Etat. Que nous importe de toucher des subsides publics comme les Eglises, nous voulons la liberté totale garantie par la neutralité métaphysique des Etats.

C’est pourquoi, nous nous opposons fermement non seulement à l’article 51 de la future constitution européenne, mais aussi à d’autres points et surtout sur son mode de fonctionnement qui est « intrinsèquement pervers » pour reprendre une formule papiste.

Bien entendu, ce que je vais exprimer est le point de vue de la Libre Pensée française. L’accord commun qui fonde ce rassemblement européen est le refus de l’article 51 mais chaque association présente est libre d’exprimer ses positions en la matière. Nous sommes tous partisans du libre examen et du libre débat. Et bien, examinons et débattons librement entre nous. C’est toujours de la discussion que naît la clarté.

Cela a été dit à plusieurs reprises, l’article 51 ne vise qu’à perpétuer ad vitam eternam les privilèges des Eglises et des religions. Rappelons quelques évidences, un traité constitutionnel, ce n’est pas un roman qui raconte une belle histoire. C’est un texte juridique qui lie les parties en présence.

Quand l’article 51 dit « L’Union européenne respectera » les différentes formes de relations entre les Eglises et les Etats, cela veut dire qu’elle les protégera en les intégrant dans le droit communautaire qui est supérieur aux différentes législations nationales. A partir du moment où la ratification de cette constitution sera terminée, toutes les formes de relation entre les religions et les Etats, c’est-à-dire les concordats, les Eglises officielles et les religions d’Etat, le statut clérical d’Alsace-Moselle, les impôts d’Eglise, les délits de blasphème seront tous intégrées es qualité dans le droit communautaire.

Quand un peuple voudra désormais abroger un concordat qu’il soit bonapartiste, hitlérien, franquiste, mussolinien ou salazariste ; pour pouvoir le faire en conformité avec le droit européen, il lui faudra avoir l’accord des 25 pays comme pour modifier la constitution européenne. Autant dire que ce n’est pas demain la veille.

C’est ce qui explique que le Vatican est dans une course de vitesse dans toute l’Europe pour faire avaliser les concordats avant la ratification finale de la constitution européenne. Le résultat est là : sur les 25 pays membres ou futurs membres de l’Union européenne, 14 ont un concordat avec le Vatican. Et la plupart des autres ont des religions officielles !

C’est ce qui explique aussi la guerre religieuse qui se déroule à l’Est de l’Europe. Les Eglises établies refusent de voir arriver des religions concurrentes. Elles veulent bénéficier de manière exclusive des prébendes garanties par l’article 51 sans avoir à les partager avec d’autres.

Et c’est en toute logique, qu’une fois préservées à tout jamais les relations institutionnelles des Eglises et des Etats, le troisième paragraphe fait des Eglises et des organisations religieuses les « partenaires officielles » de l’Union européenne.

La constitution européenne remet donc en cause de manière fondamentale le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en liant les générations futures aux décisions de celles d’hier. C’est l’ordre divin imposé à tous, pour tous et pour toujours.

D’autre part, le préambule de la constitution, dans sa forme actuelle, met sur le même plan, l’apport des Lumières et de l’Humanisme et le fardeau des obscurantismes religieux. Répétons-le avec force, un texte constitutionnel n’a pas pour but d’être un livre d’histoire ni de raconter des histoires. Il ne parle pas du passé, il est censé forger l’avenir. En faisant de l’héritage religieux un article législatif dans un texte chargé de définir un fonctionnement d’institutions, il indique juridiquement et politiquement que les religions sont l’horizon indépassable des peuples en Europe.

Le message est désormais clair : l’Europe a été religieuse hier, elle doit le rester demain. C’est bien l’Europe des églises, des temples, des synagogues et des mosquées que l’on nous prépare à Bruxelles et que l’on voudrait voir signée à Rome et bénie par le Vatican. C’est l’interdiction signifiée aux peuples en Europe de sortir de la préhistoire cléricale et religieuse. C’est bien le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui est foulé aux pieds par l’Europe vaticane, cléricale et religieuse.

Je voudrais terminer par ce qui nous semble être le principal problème dans cette constitution. L’Union européenne a pour unique mode de fonctionnement le principe catholique de subsidiarité. D’où vient-il et où va-t-il ?

Ce terme, qui n’est pas dans le dictionnaire mais dans le droit canon, a été employé pour la première fois dans une encyclique qui s’appelle « Quadragesimo anno », formulée en 1931 pour le 40ème anniversaire de la 1ère encyclique sociale de Léon XIII qui s’appelait « Rerum Novarum »,.

L’encyclique « Quadragesimo anno » de Pie XI avait pour but de tirer le bilan précis de 40 années de doctrine sociale de l’Eglise. Elle a rendu un hommage public à l’organisation fasciste italienne et aux syndicats fasciste italiens. La première fois que le mot de subsidiarité a été employé, c’est donc en hommage au fascisme.

Ce principe a été défini par son auteur de la manière suivante « Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rangs inférieurs le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort. Elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle parce qu’elle seule peut les remplir. Ces fonctions sont : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportement et les circonstances ou la nécessité l’exigerons ».

On a traduit le principe de subsidiarité par cette formule populaire « Ne jamais confier à un organisme de rang supérieur ce qui peut être fait par un organisme de rang inférieur ». A l’évidence, cela pourrait sembler logique mais si l’on examine l’histoire, la société qui a réalisé le plus complètement possible le principe de subsidiarité, c’est la France d’Ancien Régime.

Sous l’Ancien Régime les pouvoirs de l’Etat c’étaient : la police, l’armée, la justice, les tribunaux, c’est-à-dire l’appareil de répression et la diplomatie. Tous ce qui caractérise une société moderne : l’école, la santé, le prélèvement de l’impôt, tous ces éléments fondamentaux ont été confiés à des organismes de rangs inférieurs.

Pour la plupart d’entre eux, c’était bien évidemment l’Eglise qui s’occupait de la charité, de la bienfaisance, d’un semblant d’éducation et d’un semblant de santé. La récolte de l’impôt était confiée aux fermiers généraux (qui se servaient largement au passage), c’est-à-dire que tous ce qui caractérisait le fonctionnement d’une société moderne était confié à des organismes de rang inférieur.

Nous constatons aujourd’hui que lorsque l’on privatise les services des eaux, les pompes funèbres, les services de cantine scolaire, quand on réclame le prélèvement de l’impôt par l’employeur directement sur le salaire, on en revient à la France d’Ancien Régime c’est-à-dire que l’on confie à des organismes de rangs inférieurs ce qui appartient à l’Etat, à la République et aux collectivités territoriales.

La Révolution Française, en 1789, a brisé l’Ancien Régime et le principe de subsidiarité, qui n’existait pas encore formellement, mais existait quand même dans la pratique. Elle a institué une société dans laquelle on a toujours confié, pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi, à des organismes de rangs supérieurs les missions d’une société moderne et démocratique.

Ce qui caractérise la Révolution Française, la République, c’est que pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi, on a créé la notion de service public. Ce qui caractérise l’Ancien Régime et le principe de subsidiarité, c’est que pour briser l’égalité des citoyens devant la loi, pour donner et confier à des organismes de rangs inférieurs, on privatise et on détruit le service public.

Comme le droit communautaire est supérieur aux législations nationales, alors il faut les changer pour leur fait intégrer la subsidiarité. C’est ce qui a été fait en France, le 17 mars 2003 par une honteuse révision constitutionnelle. Cette « réforme » tend à briser tout l’héritage de la grande Révolution française. En détruisant l’unité et l’indivisibilité des services publics, ils remettent en cause l’égalité des citoyens devant la loi.

Pour la Libre Pensée française, une constitution qui fonctionne sur la base du principe de subsidiarité ne peut pas être une constitution démocratique et laïque.

C’est pour toutes ces raisons que nous disons NON à la constitution européenne !

Vous avez pris connaissance du communiqué, en français et en anglais, de la Libre Pensée qui se termine ainsi : « Au-delà des réalités propres à chaque pays, tant du point de leur histoire respective que de leur législation nationale et des modalités particulières d’action de chaque association laïque, la Fédération française de la Libre Pensée pense que le moment est venu d’intensifier nos actions coordonnées et soumet ainsi, à toutes les associations qui ont soutenu et participé au rassemblement du 6 décembre à Paris et plus généralement à toutes les organisations laïques en Europe, la proposition d’envisager la tenue d’une grande manifestation laïque européenne à Bruxelles « Pour la laïcité en Europe » pour s’opposer, à une échelle plus grande encore, à l’Europe vaticane, cléricale et religieuse incarnée par ce projet de constitution européenne ; manifestation dont les formes et les objectifs devront être déterminés avec l’ensemble des associations laïques en Europe qui partagent cette volonté de voir triompher la séparation des Eglises et des Etats ».

N’est-il pas opportun et judicieux d’en débattre tous ensemble pour continuer l’action commune commencée aujourd’hui ?

Et puis que l’on est en France, permettez-moi de terminer en disant, comme toujours :

Ni dieu, ni maître !
A bas la Calotte !
Et vive la Sociale !

Je vous remercie.


Christian Eyschen
Secrétaire général de la Libre Pensée française

La liste des signataires de l'Appel pour le Rassemblement européen


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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